Terra Luna : La chute, le rebond et l’ascension

Le 8 mai 2022 sera probablement une date qui aura marquée l’histoire des cryptomonnaies.

Ce jour là, c’est la chute du Stablecoin TerraUSD (UST). Le Stablecoin censé être indexé au dollar se désindexe et tombe en dessous des 1 dollars. C’est la panique chez les investisseurs qui vendent en masse leurs stablecoins UST précipitant encore plus la catastrophe. Résultat, 1 mois plus tard, le stablecoin ne vaut plus que 0,009 euros.


1. La relation entre le stablecoin UST et le token LUNA

La déroute du stablecoin UST est due à plusieurs facteurs.

Le premier facteur est le phénomène de panique des investisseurs qui ont vendu en masse lors des premières chutes de valeurs. Le résultat est que cela a accéléré la chute du prix du stablecoin.

Le deuxième facteur est la relation algorithmique entre le stablecoin UST et le token de l’écosystème Terra : le LUNA. En effet, le LUNA est à l’origine le token officiel de la Blockchain Terra, et sert donc, au même titre que l’Ethereum de frais de gas lors des transactions au sein de cet écosystème.

Depuis sa naissance, le token LUNA a eu une ascension fulgurante, comme en témoigne sa courbe de prix :


Le token est passé de moins de 1 euros à plus de 100 en l’espace de seulement 2 ans, pour se placer à cette issue dans le top 10 des plus grosses cryptomonnaies au niveau de la capitalisation boursière.

Cette ascension s’explique la aussi par la relation algorithmique entre le stablecoin UST et le token LUNA.

La nature de cette relation est la suivante : Si 1 token Luna vaut 1 dollar, il est possible d’échanger 1 UST contre 1 Luna. De même, si 1 token Luna vaut 10 dollars, il est possible d’échanger 1 UST contre 0,1 Luna et ainsi de suite. Cette relation algorithmique informatique permet de maintenir un équilibre dans la valeur du stablecoin UST. Car si l’on vend des stablecoins, cela produit automatiquement des tokens LUNA et inversement, si l’on achète des stablecoins, cela brûle (supprime) des tokens LUNA.

Le rendement annoncé en 2022 pour le staking de stablecoins UST était de 19,49% annuel grâce au protocole Anchor. C’est ce qui a crée, en grande partie, le succès de l’écosystème Terra. Les investisseurs ont investi en masse dans le stablecoin UST afin d’obtenir un rendement annuel de 19,49%. Cet achat massif, surfant sur la vague d’ascension des prix du Bitcoin a provoqué un burn gigantesque de tokens LUNA et donc une envolée du prix de ce même token par la loi de l’offre et la demande.

Le problème, c’est qu’une fois le bull run du Bitcoin passé (cycle de montée du prix du Bitcoin), l’euphorie a laissé place au bear market (hiver crypto et chute drastique du prix du Bitcoin). Ce phénomène a amené les investisseurs à récupérer leurs capitaux de façon générale sur les marchés et donc à vendre de grands volumes de stablecoins UST. Ce faisant, cela a provoqué une création énorme et proportionnelle de tokens LUNA et augmenté le volume total de tokens en circulation. Le prix du token LUNA a commencé à chuter sévèrement avec un passage de plus de 100 dollars à 70 dollars.

Cela aurait pu en rester la s’il n’y avait pas eu la désindexation du stablecoin UST un peu plus tard.

En effet, le principe algorithmique étant basé sur : 1 dollar UST acheté/crée = 1 dollar de LUNA brûlé (supprimé)

Et inversement, 1 dollar UST vendu/brûlé = 1 dollar LUNA crée.

Ce schéma mathématiques simple permettait justement à l’UST de conserver sa parité au dollar.

Malheureusement pour l’UST, les volumes de vente du stablecoin ont continué à augmenter au fur et à mesure de la chute du marché crypto. Le stablecoin n’a pas tenu la cadence et a commencé se désindexer doucement du dollar, ce qui a provoqué une panique générale des investisseurs et incité à encore plus de ventes de UST. C’est à ce moment que l’algorithme informatique étant censé maintenir l’équilibre entre les transactions de stablecoins UST et le volume de LUNA a lui aussi commencé à flancher en voulant réindexer à tout prix le UST au dollar. Puisque la seule façon pour l’algorithme de réindexer le UST était de brûler/supprimer de l’UST, il s’est mis à créer des LUNA de façon démentielle.

Le problème, c’est que plus l’UST perdait de sa valeur et plus l’algorithme créait de LUNA, ce qui entraînait à son tour une baisse de la valeur du token LUNA et donc une accélération de la panique auprès des investisseurs. Le mouvement a fait boule de neige et en seulement quelques jours, le LUNA est passé de 100 dollars à moins de 0,00001 dollars avec un volume de tokens initialement estimé à 10 milliards, passé à 6000 milliards. Le nombre de tokens a donc été multiplié par 600.

De nombreux investisseurs que ce soit sur le stablecoin UST ou le token LUNA ont été ruiné et l’événement a eu une telle portée que beaucoup ont craint une chute générale et définitive du marché des cryptomonnaies.

2. Les conséquences sur la fondation Terra et l’écosystème Terra

Cette catastrophe n’a pas seulement eu des répercussions sur les investisseurs des tokens UST et LUNA, mais aussi sur la fondation Terra et l’ensemble de l’écosystème de la Blockchain.

Pour sauver les meubles, la fondation a injecté 1,5 milliards de dollars pour essayer de réindexer le stablecoin ce qui s’est révélé être un échec absolu, puisque le stablecoin a continué sa chute en entraînant celle du LUNA.

Nombre de BTC avant l’injection d’argent : 80 000

Nombre de BTC restants après l’opération : 313.

L’opération est donc un échec total car non content de voir l’écosystème Terra se faire détruire sous ses yeux, la fondation a dilapidé quasiment l’ensemble de ses avoirs dans une action intrépide, rendant toute mesure secondaire impossible pour redorer le blason de l’écosystème.

Car, il faut rappeler que la Blockchain Terra ne se résumait pas seulement à son stablecoin UST et son token principal LUNA, il était constitué de nombreux projets : 32 pour être exacts qui ont tous été balayés par l’explosion.

Après ce premier échec, la fondation Terra a décidé de prendre une autre décision critiquable : faire un fork (fouche) et créer un nouvel écosystème basé sur un nouveau token. Ce nouveau token, baptisé LUNA V2, puis LUNA a engendré la déception et la colère de la communauté, déjà mise à rude épreuve, qui attendait fermement la mise en place d’une politique de burn massif (suppression) des anciens tokens LUNA afin de ramener le volume de tokens à sa valeur initial, c’est à dire 10 milliards. L’objectif, était, bien entendu de faire remonter la valeur de l’ancien token LUNA et de réindexer le stablecoin UST au dollar par la même occasion afin de relancer l’écosystème.

Pourtant, allant à l’encontre du sentiment général, et même de certains PDG des plus grosses plateformes Exchanges comme Binance, Do Kwon a préféré se détacher de l’ancien écosystème, allant jusqu’à rebaptiser l’ancien token le LUNA Classic (LUNC) afin de mettre la lumière uniquement sur son nouveau token le LUNA V2, baptisé LUNA et qui peut donc prêter à confusion. Do Kwon a argumenté que l’ancien écosystème était de toute façon voué à une mort certaine et que la seule solution était de repartir sur de nouvelles bases.

Depuis, l’écosystème Terra comporte donc 2 Blockchains basées sur 1 token chacune:

  • L’ancienne Blockchain basée sur le LUNC.
  • La nouvelle Blockchain basée sur le LUNA qui est en réalité le LUNA V2.

Cette catastrophe a également eu des répercussions au niveau humain. Cela a conduit à la faillite de la fondation Terra et de ses employés et surtout à la poursuite juridique du fondateur de l’écosystème Terra : Do Kwon, qui fait aujourd’hui l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la Corée du Sud et aurait fait perdre, à lui tout seul, prés de 500 milliards de dollars au marché des cryptos.

A la lumière de ces derniers rebondissements, on peut se demander si l’effondrement de l’écosystème Terra n’a pas été quelque chose d’organisé par son fondateur ou même comme certaines rumeurs l’indiquent, par des organisations externes. Car la cryptomonnaie a de nombreux ennemis qui auraient tout intérêt à voir son écosystème fragilisé dans une période ou la guerre sur le monopole du numérique fait rage en coulisse.

De plus, l’intégrité de Do Kwon est largement remise en cause et les autorités commencent à douter sur son rôle dans la chute de son propre écosystème. En témoigne le mandat à son encontre.

3. Les solutions mises en place par la communauté crypto

Le fondateur et la fondation Terra étant mis hors jeu que ce soit au niveau juridique ou en raison de sa faillite, l’écosystème Terra était, pendant un temps voué à disparaître des radars.

C’était sans compter la communauté crypto qui croit dur comme fer (encore) à l’ancienne Blockchain centrée sur l’ancien token désormais intitulé le LUNA Classic (LUNC), car dés les annonces controversées de Do Kwon concernant la création d’un deuxième token LUNA, des développeurs faisant partie de la communauté ont décidé de contre attaquer. Leur groupe qu’ils ont nommé “Terra rebels” est sans équivoque et symbolise le schisme entre la fondation Terra et la communauté crypto.

L’objectif de ce groupe de développeurs est de relancer l’écosystème déchu afin de satisfaire l’énorme communauté, de réindexer le UST (devenu USTC) et le LUNA (devenu LUNA Classic).

C’est pour cette raison qu’au lieu d’avoir un seul véritable écosystème LUNA à ce jour, il en existe deux. L’Ancien que tout le monde préfère et veut voir renaître de ses cendres pour diverses raisons (perte des investissements, opportunités d’investissements, applications qui étaient en bonne voie de développement, etc…) et le nouveau qui est largement moins soutenu puisque la majorité de la communauté était contre et donc les investisseurs n’ont ni acheté le nouveau token ni adhéré à l’idée. Sans compter la perte de confiance en Do Kwon et la fondation Terra.

Depuis leur création, le groupe de développeurs Terra Rebels fait tout pour satisfaire la communauté. Les développeurs ont annoncé une série de mesures :

  • Une taxe burn de 1,2% à mettre en place sur l’ensemble des transactions effectuées avec le LUNC. (taxe qui doit être acceptée et implémentée par les plateformes Exchanges)
  • La maintenance de l’écosystème du Terra LUNA Classic afin d’autoriser des développeurs et applications à établir leurs smart contracts sur l’ancienne Blockchain.
  • La prise en main de la communication et des mises à jour effectuées sur l’ancienne Blockchain.

Paradoxalement, on constate donc que c’est la communauté qui est en train de supplanter la fondation Terra afin de mettre en place elle même les solutions qu’auraient du adopter la fondation Terra.

4. La renaissance du Terra LUNA Classic

L’ensemble de ces mesures annoncé quelque temps après l’effondrement de l’ancienne Blockchain a été suivi d’incroyables retournement de situation.

L’objectif principal que presque tout le monde voulait voir implémenté au sein de l’écosystème du LUNA Classic était la taxe burn de 1,2% afin de réduire le volume total de tokens LUNA Classic existants et donc de faire augmenter les prix du token à terme.

Cet objectif a été officiellement mis en place le 20 septembre 2022, soit presque 4 mois après la catastrophe, comme le montre le tweet de Binance ci dessous.


Si au début, l’implémentation de cette taxe via les propositions 3568 et 4159 de la communauté ont fait débat en raison de son champ d’application “Off chain” ou “On chain”, elle a finalement été implémenté dans les 2 cas, suivant des conditions particulières :

  • Le Off chain représente toutes les transaction hors d’une plateforme Exchange. Pour prendre le cas de Binance, toutes les transactions de retraits et de dépôts de LUNC sont des transactions qualifiées de “Off chain” et donc qui sont désormais taxées de 1,2% sur les montants concernés. (uniquement le LUNC)
  • Le “On chain” est l’inverse. C’est toutes les transactions internes aux plateformes Exchange et donc les taxes On chain sont propres à la politique d’utilisation adoptée par chaque plateforme et uniquement par elle. Par exemple Binance a une politique globale de frais de trading de maximum 0,10% sur l’ensemble des cryptos au sein de sa plateforme. Le PDG de Binance a donc décidé de faire un compromis. Il a bien implémenté la taxe “On chain” sur le LUNC mais uniquement à hauteur de 0,10% sur chaque transaction liée au LUNC afin de respecter un certain fair play par rapport au trading des autres cryptomonnaies.

Bien évidemment, les autres plateformes Exchanges pourront décider d’augmenter ou de baisser cette taxe “On chain” comparé à Binance. Cependant, la taxe “Off chain” de 1,2% reste la même pour tout le monde sous réserve qu’une plateforme l’accepte.

Ainsi, depuis le 20 septembre, de plus en plus de plateformes Exchanges adoptent le comportement de Binance et imposent une taxe de 1,2% sur chaque transaction LUNC “Off chain” et un certain montant de taxe propre à chaque plateforme pour le “On chain”.

Maintenant que l’on sait que cette taxe est définitivement en train d’être implémentée, on peut se demander quel va être son impact sur le volume total de LUNC et donc sur le prix des tokens.

CZ (Changpeng Zhao) le PDG de Binance répond à cette question car il a fait une projection à partir des volumes présents sur sa plateforme, comme le montre le tweet ci dessous :


Avec les volumes actuels, CZ estime qu’il brûlera sur Binance l’équivalent de prés de 2000 milliards de tokens LUNC, soit 1/4 du volume total par an. Cela sans compter les futures augmentation du prix du LUNC, sans compter les burn “Off chain” de 1,2% et surtout sans compter les AUTRES plateformes Exchanges comme Binance.

Et pour donner un ordre de grandeur, Binance possède prés de 60% des volumes de trading liés au LUNC. On peut donc supposer, à partir des données actuelles que le burn GLOBAL de LUNC par an pourrait se porter à 3000 milliards de tokens soit la moitié du volume total.

Ainsi, à ce rythme et à condition de garder ce rythme, il est possible que le volume total de tokens LUNC repasse à son niveau initial de 10 milliards d’ici 2 ans, soit 2024/2025, ce qui coïnciderait en plus avec le prochain cycle de Bull run du Bitcoin.

Toutes ces annonces ont déjà eu un effet sur le prix du token LUNC puisque, comme le montre le graphique ci dessous, le LUNC a pris plus de 300% en l’espace de quelques semaines sur le mois de septembre :


De plus, cet engouement autour de la renaissance du LUNC a provoqué une reprise de confiance du projet de la part à la fois des investisseurs mais aussi des développeurs d’anciens projets qui avaient projeté de migrer vers la nouvelle Blockchain et son token LUNA V2. Ces projets sont déjà en train de se demander s’ils ne vont pas plutôt rester sur l’ancienne Blockchain.

En clair, la taxe burn de 1,2% mise en place par les développeurs de la communauté semble renforcer la ferveur autour de l’ancienne Blockchain et redonner de l’espoir aux anciens investisseurs lésés et aux nouveaux en quête d’opportunités. De plus, l’ancienne Blockchain appartenant désormais à la communauté via Terra Rebels et non plus à la fondation Terra, l’écosystème a gagné en décentralisation et en autonomie.

Le seul point noir au tableau actuel reste le fonctionnement de son stablecoin algorithmique qui semble rester très fragile et dont la réindexation au dollar, si elle a lieu, restera le talon d’Achille du LUNC.

Survivra, survivra pas ? Le temps nous donnera un jour la réponse, en tout cas le LUNC a prouvé qu’il était capable de surprendre, autant dans le bon sens que dans le mauvais.

Avertissement: Cet article ne donne en aucun cas des conseils en investissement. Les informations publiées ici sont à titre d’information uniquement. Si vous souhaitez entreprendre une action en lien avec les informations situées dans cet article, faites d’abord vos propres recherches et notre site web ne pourra pas être tenu responsable des risques entrepris par un lecteur.

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par Anders Noren.

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