La France, désormais en économie de guerre

Emmanuel Macron a déclaré que la France était entrée en économie de guerre le 15 juin 2022.

Mais une économie de guerre, c’est quoi ?

1. Définition de l’économie de guerre

Une économie de guerre est une économie centrée sur les industries. L’objectif est d’assurer la production sur plusieurs secteurs :

  • L’armement et les munitions.
  • La recherche et les avancées technologiques sur le plan militaire.
  • Le renforcement des effectifs et équipements des flottes navales/aériennes et des armées terrestres.
  • La production alimentaire afin d’assurer la santé des soldats et des civils placés à des niveaux stratégiques.

En clair l’ensemble des ressources est alloué à l’objectif de guerre.

Mais ce n’est pas tout, l’économie de guerre ne se joue pas seulement sur le plan de la production.

Avec une économie de guerre, l’objectif des Etats est de prendre des mesures économiques pour essayer de fragiliser les ennemis autrement que par les bombes et les batailles. L’exemple récent le plus criant de ce genre d’objectifs est la batterie de sanctions prises par l’Union européenne à l’encontre de la Russie qui a riposté en coupant les livraisons de gaz. Ceci est une bataille économique qui n’est que la conséquence d’une économie de guerre adoptée par la totalité des pays acteurs dans le conflit Russie-Ukraine.

Enfin, sur plan politique, une économie de guerre vise à maintenir les populations des pays impliqués dans l’effort de guerre afin que les citoyens soutiennent les décisions politiques et les gouvernements en place. Durant la seconde guerre mondiale, absolument tous les Etats, qu’ils fassent partie des Alliés ou de l’Axe usaient de la propagande afin de recruter des soldats par exemple ou entretenir la haine de l’ennemi. Or, en 2022, nous avons une émergence de la haine contre la Russie du côté Occidental mais aussi une hausse de ce genre de sentiments de la part de la Russie envers le monde Occidental, et les médias jouent un grand rôle dans ce phénomène.

En résumé, l’objectif d’une économie de guerre est de focaliser l’ensemble des ressources vers un but commun pour l’ensemble des acteurs d’un pays.

2. La France en économie de guerre ?

Avec les propos d’Emmanuel Macron concernant l’entrée en guerre de la France en économie de guerre, le président a forcément crée des remous dans les sphères politiques et économiques.

Car, outre la guerre contre le terrorisme qui date de plusieurs dizaines d’années, la France n’est pas en guerre contre un autre pays de manière ouverte.

Or, peut on justifier une économie de guerre dans un pays qui ne l’est pas ? Là est toute la question et nous allons tenter de répondre à cette question dans cet article.

3. Les conséquences d’une économie de guerre

Comme cité plus haut, les avantages d’une économie de guerre pour le pays qui l’a mis en place sont évidents. Elle permet de renforcer la puissance militaire de l’Etat de façon globale en renforçant les capacités offensives mais aussi défensives des armées et des infrastructures militaires. Elle permet également de prendre des mesures politiques et économiques destinées uniquement à affaiblir la santé économique des adversaires. Enfin, elle permet de détourner l’attention de la population au sujet de thèmes fâcheux comme la baisse du pouvoir d’achat, l’inflation et tous les problèmes rencontrés par la population.

Mais l’avantage ultime d’une économie de guerre est que justement il permet de relancer une économie défaillante en mobilisant l’ensemble des ressources humaines et matériels dans une seule direction.

L’histoire nous l’a bien démontré. Lors de la grande dépression de 1929, une des plus grandes crises économiques mondiales, la solution involontaire a été la Seconde Guerre mondiale. Plus de chômage car les chômeurs sont au front, plus de contestations sociales car les populations sont terrifiées et poussées par la ferveur patriotique et les usines tournent à plein régime. De plus, de nombreuses réformes politiques ont eu lieu lors de la guerre et sont passées sous prétexte de la guerre alors qu’en temps de paix, jamais ces réformes n’auraient été mises en place et encore moins acceptées par les populations. Il ne faut pas oublier que la peur est le meilleur instrument d’un Etat pour maintenir sa population sous contrôle et augmenter les impôts, dissoudre l’Assemblée nationale ou encore réformer les retraites deviennent des choses presque banal dans une économie de guerre.

Au niveau des inconvénients, il y a l’inflation galopante. Par exemple, au temps de la Seconde Guerre Mondiale, l’inflation avait atteint les 50% au niveau annuel, loin de nos 6% à nous en France en aout 2022. Cette inflation est causée par l’économie de guerre. Celle ci favorise les capitaux vers les milieux de l’armement et des infrastructures militaires et civiles stratégiques. Ainsi, tous les capitaux et budgets publiques qui allaient initialement vers le soutien des entreprises, les aides sociales, les retraites, l’entretien des villes, etc, est détourné vers l’objectif de guerre et seuls les entrepreneurs de l’armement s’enrichissent, alors que l’ensemble de la population s’enfonce dans la stupeur et se serre la ceinture afin de pouvoir payer l’augmentation des impôts et des prix. Car outre l’aspect économique du à la politique interne du pays, il y a aussi l’aspect externe, c’est à dire les flux d’importation et d’exportation. Et en temps de guerre, ces flux sont forcément déstabilisés par les combats ou les attaques du pays adverse à l’encontre des lignes logistiques. Il suffit d’observer l’impact de la guerre Russie Ukraine sur les importations européennes au niveau énergétique et sur l’exportation du blé de la part de la Russie et de l’Ukraine qui représentent à eux seuls 30% des réserves de blé mondial.

Une économie de guerre est donc étroitement liée à l’inflation, que ce soit sur une hausse des prix en raison d’une pénurie ou une hausse globale des impôts justifiées par cette économie de guerre.

Au niveau des réformes, cette économie a pour inconvénient de restreindre les libertés et le confort des populations : rationnements, propagande, mesures liberticides…

4. Etat des lieux des budgets des Etats consacrés à l’armement dans le monde

Ci dessous la liste des 10 pays ayant les plus gros budgets militaires au monde en 2019.

Source: Wikipédia

Comme vous pouvez le constater, depuis 10 ans, les dépenses militaires sont en augmentation pour un total de +7,2% à l’échelle mondiale avec un total de 1917 milliards de dollars dépensés. Et ces chiffres datent de 2019.

Mais en 2022, c’est encore pire. Pour la première fois dans l’histoire, les dépenses militaires ont dépassé les 2000 milliards de dollars pour atteindre les 2113 milliards de dollars et le monde semble faire un bond en avant dans l’augmentation des budgets militaires. Malheureusement, ces augmentations semblent bien confirmer une tendance des pays à se diriger peu à peu vers des économies de guerre.

Cette tendance résulte des tensions entre la Chine d’un côté et les Etats Unis, l’Australie et le Japon de l’autre côté. En Europe les tensions sont exacerbées entre la Russie et l’Union Européenne et ces tensions ont escaladé en conflit ouvert entre l’Ukraine (devenu l’OTAN) et la Russie. L’Union Européenne, le Royaume Uni et les pays de l’OTAN ont pris des mesures économiques à l’encontre de la Russie dont les conséquences sont la crise énergétique catastrophique et l’inflation galopante pour ces mêmes pays. Ce retour de bâton est le produit d’une décision politique dans l’économie de guerre. Est ce efficace ? Il est clair que non, car l’hiver sera rude pour les occidentaux européens, moins pour les russes.

Et bien évidemment, ce sont les populations qui souffrent en premier lieu des mesures prises en raison de l’économie de guerre.

5. Et la France, qu’en est il vraiment ?

La France n’est pas en conflit ouvert mais se prépare à cette éventualité. Macron la implicitement confirmé en déclarant que nous étions désormais en économie de guerre.

Pour prendre comme témoin l’histoire, l’Allemagne était en économie de guerre bien avant l’avènement de la Seconde Guerre Mondiale. L’Allemagne avait commencé l’économie de guerre en 1933, soit 6 ans avant la guerre. Et pour vous donner un exemple des effets de l’économie de guerre, les Allemands avaient construit en prévision de la guerre des autoroutes à travers tout le pays de façon à pouvoir déplacer leurs troupes le plus rapidement possible, ce qui, lorsqu’ils ont déclaré la guerre aux autres pays européens, leur a permis de prendre un avantage décisif et foudroyant.

Il ne suffit donc pas d’être en guerre pour adopter une économie de guerre.

Cependant, il est important de remettre les choses dans leur contexte en 2022. Car si l’Union européenne se déclare en économie de guerre, personne l’y a forcé en réalité, tout comme les Allemands en 1933. Le conflit qui oppose l’Ukraine et la Russie est un conflit historique mêlant la culture soviétique. L’Union européenne n’a rien à voir dans ce conflit et les américains encore moins. L’Ukraine ne fait ni partie de l’Union européenne ni partie de l’OTAN. Dans ce contexte, si l’on se base sur les faits uniquement (et non l’aspect moral) les sanctions et mesures prises par l’occident contre la Russie ne sont pas des mesures de défenses mais bien des mesures offensives dans le cadre d’une économie de guerre pour affaiblir l’adversaire.

Sauf que la Russie n’est pas l’adversaire de l’Union Européenne. Ainsi, si l’Union Européenne adopte une économie de guerre, c’est parce qu’elle le veut bien. Et la France encore plus, lorsque l’on voit les avantages liés à une économie de guerre.

En France, nous avons une dette publique qui s’accroit d’années en années avec une dette avoisinant les 114,5% du PIB. Les aides sociales et les protections sociales plombent les recettes de l’Etat et l’augmentation des impôts est devenu un tabou presque religieux. De même pour les retraites dont la réforme est repoussée depuis des années et dont chaque tentative de mise en place s’est résulté par des manifestations sociales. Au niveau européen, c’est la même situation, les recettes des Etats diminuent à l’inverse de leurs dépenses publiques. Il est donc évident que l’ensemble des 27 pays a sombré dans une spirale infernale de dettes dont la finalité semble être une perspective sombre et de plus en plus proche. De plus, la crise du coronavirus a déstabilisé l’économie européenne déjà fragilisée par les dettes colossales. Désormais, il faut donc compter avec les pénuries de composants électroniques et l’inflation liée à la diminution de l’offre générale des produits à cause de la diminution de la production mondiale générale. L’inflation ne date pas d’hier, ni les manifestations comme le démontrent la révolte des gilets jaune en 2018. Elle était moins spectaculaire, à l’époque mais présente tout de même et pesait déjà sur le pouvoir d’achat des ménages.

Si l’on prend tous ces éléments en compte, il est évident que le gouvernement français a tout intérêt, sur un plan interne, à adopter une économie de guerre, afin de maintenir sa population sous contrôle, justifier la crise énergétique à venir, donner un ennemi extérieur facile à identifier et détourner les populations des problèmes économiques actuels et de la cible que représente les élus politiques français qui ont cautionné, à minima, les décisions qui ont amené la France a subir la pire crise énergétique de son histoire. L’économie de guerre est également le meilleur moyen de prendre des mesures irrecevables ou inacceptables en temps normal : réforme des retraites, réduction des aides sociales, dissolution de l’Assemblée, etc…

La prochaine étape dans l’escalade dans le cadre d’une économie de guerre sans conflit ouvert… C’est la guerre elle même. Nous verrons donc dans un futur proche si l’Union Européenne et les Etats Unis déclarent la guerre à la Russie ou font absolument tout pour la pousser à employer des moyens militaires à leur encontre.

En tout cas, il est étonnant de voir que la mobilisation occidentale à l’encontre de la Russie est 100 fois plus virulente que lorsque la Russie avait envahi la Crimée ou encore la Géorgie en 2014 et 2008. C’est peut être qu’à l’époque, l’économie de guerre n’apportait pas autant d’avantages qu’en 2022.

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par Anders Noren.

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