La crise énergétique secoue l’Europe en cette fin 2022. Tandis que la guerre militaire fait rage d’un côté entre la Russie et l’Ukraine, c’est une toute autre confrontation qui se joue de l’autre côté entre la Russie et l’Union Européenne. Les sanctions mises en place par l’Occident à l’encontre de la Russie se sont retournées contre leurs auteurs depuis que la Russie a décidé de couper ses partenariats commerciaux énergétiques avec l’Occident.
Mais qu’en est il vraiment ? Quels sont les chiffres liés à cette crise énergétique en Europe et en France ? Comment cette coupure énergétique a t-elle pu nous mettre dans une telle situation ? Et surtout, quelles seront les répercussions sur le quotidien des européens et des français ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.
1. La consommation énergétique en Europe et dans le monde
L’UE consomme prés de 1400 Mtep. Elle est la troisième plus grosse consommatrice d’énergie, avec ses 447 millions d’habitants, derrière les Etats Unis et la Chine.
La France a consommé 235 Mtep en 2021, soit 235 millions de tonnes équivalent pétrole.
Cette unité Mtep représente la consommation, avant transformation, des énergies primaires comme le nucléaire, le charbon, le pétrole , le gaz, les énergies renouvelables, l’hydraulique, etc….
Au niveau mondial, voici la consommation entre 1990 et 2021 en Mtep :

Ainsi, on remarque que la consommation en énergie primaires a littéralement explosée depuis 30 ans avec l’essor des pays comme la Chine et l’Inde.


Ce qui intéressant de noter sur le graphe ci dessus, c’est que l’électricité représentait 10% de la consommation d’énergie globale dans le monde en 2021 et le gaz 24%.


Sur ce dernier graphique, on constate que les énergies dont l’UE a le plus besoin sont sans surprise le pétrole et le gaz naturel, qui sont également les sources d’énergie primaires les plus importées car l’UE ne produit pas de gaz naturel ni de pétrole ou du moins pas en quantité insuffisante.
2. La consommation en électricité en Europe et en France
2.1) Consommation électricité finale en Europe et en France
Sur une année, en moyenne, un habitant européen consomme 6107 KWh, soit 16,9 KWh par jours. (2019)
En France, la consommation en électricité moyenne est de 4190 KWh par an, soit 12,5 KWh par jours. (2019)
https://www.lenergietoutcompris.fr
2.2) Part des sources d’énergie primaires dans la consommation énergétique globale en France
Avant tout, sachez qu’il existe 2 types de consommation en énergie : la consommation d’énergie primaire et la consommation finale.
La consommation d’énergie primaire est la consommation d’énergie avant transformation.
La consommation d’énergie finale est la consommation d’énergie après transformation.
La consommation finale sera donc toujours moins élevée que la consommation d’énergie primaire.
Pour vous donner un exemple, le raffinement du pétrole pour qu’il soit compatible avec nos voitures induit automatiquement la perte d’une certaine quantité de pétrole lors de la transformation. Cette perte est la différence entre l’énergie primaire et l’énergie finale que pourra utiliser le consommateur.
Source d’énergie primaire | Consommation d’énergie primaire France (Milliards KWh) (2020) |
---|---|
TOTAL | 2652,65 TWh |
Charbon | 66,25 (2,5%) |
Gaz | 418,7 (15,8%) |
Nucléaire | 1060 (40%) |
Energies renouvelables | 341,85 (12,9%) |
Pétrole | 744,65 (28,1%) |
Déchets non renouvelables | 21,2 (0,8%) |
Si l’on analyse ces graphiques, on constate que la France est surtout dépendante du pétrole et du gaz naturel à hauteur, au total, de 43,9% de ses sources d’énergie primaires puisque l’on sait que pour le reste (nucléaire et énergies renouvelables) elle produit les énergies sur son sol.
Il nous faudra donc analyser ou et comment elle s’approvisionne en gaz et en pétrole, car de la vient ses fragilités dans les objectifs d’indépendance énergétique.
2.3) La consommation finale globale par secteurs en France
Cette consommation finale représente l’énergie disponible pour utilisation après la transformation de l’énergie primaire. Et comme vous pouvez le constater, la transformation a engendré une perte de 1088 TWh par rapport aux 2650 TWh d’énergie primaire disponibles initialement.
Sans surprise, on remarque que ce sont bien les foyers (maisons, résidences, etc…) qui consomment le plus en énergie via l’électricité produite à l’aide des sources d’énergie primaires telles que le nucléaire, les énergies renouvelables ou encore le gaz naturel.
Ensuite, vient le secteur des transports avec le carburant, transformé via le pétrole.
Puis le secteur agricole/industriel qui se base sur toutes les sources d’énergie primaires.
3. Les importations et la production d’énergie au sein de l’UE et de la France
Maintenant, nous allons voir la dépendance énergétique de l’UE et de la France vis à vis des autres pays hors Occident. Et c’est la que les choses deviennent intéressantes.
3.1) La production énergétique au sein de l’UE
En 2018, la production énergétique de l’UE était de 635 Mtep, alors qu’elle en consomme chaque année 1400 Mtep. Chaque année, il manque donc 765 Mtep.

3.2) La dépendance énergétique de l’Europe, les chiffres
Pour rappel, ci dessous la totalité d’énergie nécessaire à l’UE sur une année en Mtep :


Au niveau du gaz, l’Europe dépend donc largement de la Russie (40%), de la Norvège (18%) et de l’Algérie (11%).

Ici, à retenir également que c’est la Russie le plus gros exportateur de pétrole en Europe avec 29% des parts.

De même pour les combustibles (dérivés de déchets généralement) solides nécessaires dans certains pays de l’UE pour les usines d’incinération, les cimenteries, les hauts fourneaux ou encore les chaufferies industrielles. Tout cela dans l’objectif soit de produire de l’électricité soit de conduire les réseaux de chaleur.
On remarque que c’est encore une fois la Russie le principal fournisseur de combustibles solides pour l’UE à hauteur de 42% des parts du marché.
Pour faire un résumé de la dépendance énergétique de l’UE, voici une carte de la situation:

3.3) La production énergétique de la France
Comme vous pouvez le constater en France, il n’y a plus aucune production, ni de pétrole, ni de charbon, ni de gaz naturel.
De plus, bien que nous consommons chaque année 2650 TWh d’énergie de source primaire, nous n’en produisons que 1423 TWh sur notre sol. La France doit donc importer 1227 TWh par an.
3.4) La dépendance énergétique de la France
Pour rappel, la France consomme l’énergie ci dessous sur une année :
La France doit donc importer quasiment à 100% le gaz naturel ainsi que le pétrole qui représentent à eux seuls 43,9% de l’énergie primaire consommée chaque année en France, contrairement à l’énergie renouvelable et le nucléaire qui sont produits au niveau local.
Voici les proportions d’importation de gaz et de pétrole en France :
Concernant le Gaz naturel, la Norvège demeure le principal fournisseur de la France (36 % du total des entrées brutes), devant la Russie (17 %), l’Algérie (8 %), les Pays-Bas (8 %), le Nigeria (7 %) et le Qatar (2 %).
Concernant le Pétrole, c’est l’Afrique le principal fournisseur avec 37% des parts d’importations (Algérie 11,6%, Nigéria 11,4% et Lybie 9,9%), vient ensuite l’ex-URSS avec la Russie (8,8%) et le Kazakhstan (13,9%). Vient ensuite le Moyen Orient (14,7%) et la Mer du Nord (10,3%).
Source: https://www.insee.fr
4. La crise énergétique en Europe et en France causée par la guerre économique menée par l’OTAN contre la Russie
Avec la guerre Russie-Ukraine démarré le 24 février 2022, c’est toute l’Europe qui a été déstabilisée. Que ce soit moralement, mais aussi au niveau commercial et surtout énergétique.
Solidaire avec l’Ukraine qui ne fait pourtant ni partie de l’Union Européenne, ni partie de l’OTAN, l’UE a décidé de mettre en place toute une série de sanctions contre la Russie en réponse à cette invasion.
Progressives, les sanctions ont atteint la Russie qui a également riposté sur le plan économique au point d’avoir à ce jour une escalade dans l’économie de guerre adoptée par les différents partis du conflit. L’UE et l’OTAN pilotés par les Etats Unis d’un côté et la Russie et ses alliés comme la Biélorussie de l’autre.
Le résultat des sanctions est clair et les conséquences se font déjà ressentir :
- Coupure nette des partenariats commerciaux entre la Russie et l’UE.
- Perte de 40% des importations en gaz naturel pour l’UE
- Perte de 29% des importations de pétrole pour l’UE
- Perte de 42% des combustibles solides pour l’UE
- Ces pertes sont également à noter pour la Russie du côté exportation
Avant d’aller plus loin dans l’analyse de la crise énergétique en Europe, il est à noter que la Russie, bien qu’ayant une baisse évidente de ses exportations ne souffre en réalité pas du manque de revenus commerciaux, pour le moment, en raison de l’augmentation des prix du gaz, pétrole et combustible solides. De plus, ses exportations en gaz ne représentaient que 7% à 15% de ses revenus brut. Sur ce plan elle n’en sort donc pas vraiment affaiblie, à l’inverse de l’Europe qui en est à se demander si elle aura assez de gaz pour passer l’hiver 2022-2023.
Cependant, sur le pétrole, la Russie joue de plus gros risques. Car si l’UE importe 29% de son pétrole à la Russie, ce marché représente quasiment 70% des exportations pétrolières de la Russie et donc une partie très conséquente des ses revenus commerciaux dans un contexte de guerre qui coûte une fortune aux Russes qui plus est. Ainsi, l’avenir de la victoire économique des sanctions semble se jouer plutôt sur le pétrole, car la Russie, tout comme l’UE aura du mal à désengager ses infrastructures (gazoducs, ports de transit, etc…) destinées aux échanges commerciaux européens. Et ses nouveaux accords commerciaux avec la Chine ne se concrétiseront pas avant plusieurs années le temps de créer de nouvelles routes en termes de gazoducs et infrastructures de transit de pétroles tournées vers l’Asie. Pourtant, la Russie semble déjà prévoir la volonté des Occidentaux à se défaire du pétrole Russe, car Vladimir Poutine s’est récemment rapproché de Narendra Modi le premier ministre indien et a déjà réussi à faire passer son exportation de pétrole de 1% à l’Inde à prés de 18% depuis le début de la guerre Russie-Ukraine. De même pour d’autres produits comme les engrais. Cette explosion des exportations de produits russe est également visible vers la Chine malgré le manque d’infrastructures, car les exportations russes vers Xi Jinping on bondi de 55% en une année grâce aux transports par voie maritime.
Le sort de la Russie, sur le court terme semble donc préférable aux européens puisqu’ils continuent à engranger des revenus colossaux liés à leurs productions énergétiques (158 milliards d’euros de recettes sur le pétrole et le gaz) depuis le début de la guerre Russie-Ukraine, contre 179 milliards de dollars en 2021. Depuis le début de la guerre, malgré les sanctions, les russes ont donc réussi l’exploit de gagner en 6 mois, en 2022, ce qu’ils avaient gagné en une année, en 2021.
Sources: https://www.latribune.fr
Source: https://www.ouest-france.fr
Source: https://fr.euronews.com
Source: https://www.ladepeche.fr
4.1) Les difficultés énergétiques en Europe
Ci dessous les importations de gaz russe par pays membre de l’UE :

On remarque que sur les 27, 14 pays dépendent à plus de 50% du gaz russe et 10 pays en dépendent à plus de 75%.
Ci dessous les importations de pétrole russe par pays membre de l’UE :

Comme on peut le constater, sur les 27 pays, 7 pays dépendent à plus de 50% du pétrole russe.
4.2) Les difficultés énergétiques en France
Comparé aux autres pays de l’UE, la France est presque sortie d’affaire grâce au nucléaire. Avec une dépendance énergétique de 17% sur le gaz naturel et une dépendance pétrolière de 8,8% à la Russie, la France ne devrait pas avoir trop de mal à trouver des solutions afin de palier aux prix croissants de l’énergie. Pourtant ce n’est pas le cas, car malgré le bouclier tarifaire, de nombreux français ont reçu des mails d’alertes de la part de leurs fournisseurs d’électricité les prévenant d’une augmentation future de leurs notes d’électricité par 5 voir 10. Sans compter les entreprises et les industries françaises au bord de la faillite avant même d’avoir commencé la période hivernale.
5. Les raisons de l’augmentation des prix de l’électricité et du gaz en France
La première raison est la mise à l’arrêt de 32 réacteurs nucléaires sur les 56 présents en France en septembre 2022. Les raisons sont diverses (maintenance, sécheresse qui impact les refroidissements des réacteurs, etc…). Donc, seulement 24 réacteurs sont opérationnels à ce jour, une performance d’autant plus cruelle en cette période.
La deuxième raison est le couplage des prix de l’électricité avec le gaz au niveau européen. Comme une grande partie des pays européens dépendent majoritairement du gaz russe dont les exportations ont été mise progressivement à l’arrêt, cela a provoqué une pénurie de gaz et donc une montée des prix. Le gaz naturel permettant de produire de l’électricité, celle ci est donc par conséquent, devenue à son tour plus chère à cause de la montée du prix de la ressource primaire nécessaire. Cette montée des prix a donc affecté le marché énergétique européen.
La troisième raison est l’excès spéculatif en cours sur les marchés de l’électricité au niveau européen, notamment avec la bourse européenne EPEX ou peuvent s’échanger les MWh, et l’interconnexion des transports de l’électricité en Europe. L’électricité étant devenue une ressource échangeable, elle est devenue également un actif volatil sur lequel les investisseurs peuvent spéculer. Résultat, en période de crise, les prix peuvent augmenter de façon irrationnelle avec des facteurs psychologiques et aggraver les prix déjà bien élevés en raison de la pénurie.
Ce sont toutes ces raisons qui font qu’aujourd’hui, les français payent des factures plus chères, malgré les protections mises en place par le gouvernement. Car, une partie de l’électricité doit être achetée sur le marché européen avec les conséquences que cela implique au niveau des prix. En clair, les français payent la solidarité européenne.
Source: https://www.ouest-france.fr
6. Les hypothèses sur l’avenir énergétique de l’UE en fonction de la géopolitique mondiale
Cette crise énergétique sera t-elle brève ou longue ? C’est la question à 1 million de dollars à laquelle personne n’a de réponses puisque personnes n’a le don de voyager dans le futur.
Cependant, nous pouvons déjà avancer des hypothèses basées sur des faits.
Les faits notables sont que la croissance de pays comme la Chine et l’Inde rebattent les cartes, non seulement des statuts de superpuissances qu’ont toujours représentées l’UE et les Etats Unis mais aussi au niveau de la demande mondial en ressources énergétiques, alimentaires ou technologiques. Il est donc tout à fait probable qu’au fur et à mesure de l’émergence et du développement de pays comme l’Inde et la Chine, la demande en pétrole et en gaz naturel augmente, surtout que ces pays occupés à gérer leur croissance n’en sont pas encore au stade de se préoccuper du climat et du réchauffement climatique et ne s’embarrassent donc pas à produire des énergies renouvelable.
Ce phénomène, sûrement, favorisera les pays producteurs et exportateurs d’énergie comme la Russie, qui, on pourra le noter, s’est empressée de se tourner vers eux pour palier à l’arrêt de ses exportations vers l’UE. Au niveau du gaz naturel, les exportations vers l’UE étant faibles, la Russie peut donc s’en passer et facilement combler ce manque avec d’autres partenaires commerciaux (croître les quantités à vendre à des partenaires existants ou trouver d’autres partenaires) au sein du BRICS par exemple (alliance économique entre le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), ou ailleurs. A noter que l’Algérie vient tout juste en cette fin 2022 d’entrer en négociation pour intégrer le BRICS, tout en signant un nouveau partenariat stratégique avec la Russie (voir source ci dessous).
Si la Russie peut se montrer négligente sur le gaz, ce n’est pas le cas par rapport à ses exportations de pétrole. C’est donc sur cette ressource que l’avenir se jouera pour la Russie mais aussi pour l’UE qui croit dur comme fer à sa politique de sanctions malgré les lourdes conséquences qu’elle est en train de subir et qui ne peut pas se permettre en plus une défaite dans cette échange de tirs économiques avec la Russie. Et pourtant, cette victoire semble loin d’être gagnée à l’avance. Sur le court terme, la Russie exporte moins de pétrole et de gaz, mais les prix ayant explosés, elle fait encore plus de bénéfices malgré la chute de ses ventes. Sur le moyen et long terme, la Russie s’est déjà tournée vers ses partenaires de l’alliance BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) pour leur crier au secours. La Chine, l’Inde et le Brésil ont répondu à l’appel puisqu’ils ont tous augmenté leurs demandes d’importations auprès de la Russie. Les exportations de pétrole auprès de l’Inde sont passés de 1 à 18% en 2022. Les exportations de pétroles vers la Chine ont bondi de +55% par rapport à 2021 et les exportations de pétroles et d’engrais vers le Brésil sont promises à exploser également puisque Bolsonaro l’a promis à Poutine en juillet 2022.
Il est donc évident que la guerre Russie Ukraine, en plus de changer l’aspect économique du monde va également changer l’aspect géopolitique en renforçant le clivage Occident contre le reste du monde.
Dans ce contexte, ou le BRICS semble vouloir afficher de plus en plus son détachement du joug économique occidental, il est donc clair que l’avenir économique de la Russie ne semble pas automatiquement destiné à s’effondrer que ce soit sur le moyen ou long terme et encore moins sur le court terme.
Cependant, au niveau européen, c’est l’inverse. C’est bien le court terme qui pose problème en raison de la pénurie de gaz naturel et les réductions des livraisons de pétrole, qui provoque l’explosion des prix de l’électricité avec des factures pouvant être multipliées par 10 pour les entreprises et les citoyens de l’UE. Et on ne sait pas si les prix ont atteint un plafond ou vont continuer à monter. L’énergie étant le fondement même d’une civilisation, de par son impact sur la production industrielle, agricole ou encore sur le transport et le confort, il est évident que l’UE va au delà d’une période sombre. De nombreuses entreprises sont déjà menacées par leurs factures d’électricité, les citoyens voient leur pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil et les transporteurs redoutent le moment ou ils vont faire le plein à la station essence. Le risque est systémique, car en plus d’une inflation persistante avant la guerre Russie Ukraine, il y a la possibilité que la crise énergétique fasse boule de neige : toute une série de petites entreprises peuvent fermer à cause des factures d’électricité et donc entraîner une augmentation colossale des prix des produits qu’elles fabriquaient à défaut d’une pénurie si trop d’entreprises du même type mettent la clé sous la porte (les boulangers, poissonniers par exemple), puis viendrait à leur tour les industries lourdes et de transporteurs en raison des prix de l’essence de moins en moins tenables. Résultat, l’inflation déjà existante deviendrait une hyperinflation avec une augmentation des prix se répandant comme une trainée de poudre sur tous les produits découlant d’une transformation, c’est à dire 90% de ce que l’on consomme au quotidien.
Cette hyperinflation, entraînerait par la suite une impression massive de monnaie de la part de la BCE afin de financer les budgets publiques des Etats européens. Il en découlerait alors une chute de la monnaie euro (qui a déjà perdue 20% par rapport au dollar en 2022) et l’inflation serait alors inarrêtable.
Ceci est le pire des scénarios mais malheureusement rendu possible en raison de la situation actuelle à l’échelle européenne, surtout dans les pays dépendant à plus de 75% du gaz naturel russe et à plus de 75% du pétrole russe.
Cependant, si l’UE arrive à s’en sortir sur le court terme en limitant la casse, il faudra dés lors qu’elle trouve d’autres partenariats commerciaux sur le gaz et le pétrole en attendant d’assurer son indépendance énergétique grâce aux énergies renouvelables. Ce qui prendra des années.
Si on fait le point sur les importateurs de gaz naturel vers l’UE, il y a :
- La Norvège qui est au max de sa production en 2022 mais qui a le potentiel d’augmenter ses exportations vers l’UE en gaz d’ici 2024 de 1,4 milliards de mètres cubes, ce qui reste ridicule comparé aux 155 milliards de mètres cubes que fournit la Russie, selon cette source: https://www.letemps.ch
- L’Algérie, elle, est déjà au max de sa production et exportation. De plus, c’est l’Italie qui a raflé en 2022 toutes les parts de marché restantes sur l’exportation de gaz Algérien. Il parait donc peu probable que malgré les voyages récents des ministres et du président français en Algérie aboutissent à une augmentation des exportations vers la France. Et même si l’Algérie peut augmenter sa production, ce serait dans un ordre de grandeur de 6 à 7 mètres cubes en plus par an. Ce qui reste loin des 155 mètres cubes fournis par la Russie. Source: https://www.rfi.fr
- Cependant, il y a les Etats Unis qui ont plus que doublés leurs exportations de gaz vers l’UE en une année : on est passé de 28 milliards de mètres cubes de gaz naturel livrés en 2021 à prés de 74 milliards de mètres cubes en prévision livrés en 2022. C’est cela qui explique d’ailleurs les bénéfices colossaux de Total Energie cette année. De plus, les Etats Unis ont déjà atteint leur niveau d’exportation maximale vers l’UE et il faudrait plusieurs années pour construire des infrastructures de transport de gaz vers l’UE. Source: https://www.bfmtv.com et https://atalayar.com
Au niveau du gaz, l’UE a donc un potentiel à l’avenir de palier les 155 mètres cubes de gaz de la Russie contre 86 mètres cubes, ce qui ne représente malgré tous ces efforts que la moitié du besoin manquant.
Pour le pétrole, il est important de noter que les importations sont toujours en cours vers l’UE, même si elles ont diminué de plus de 20% depuis le début de la guerre, mais si demain, nous devions nous passer à 100% du pétrole russe, vers qui irions nous ? Car l’UE prévoit de se passer à 90% du pétrole russe d’ici la fin de l’année 2022, source: https://www.france24.com
- Les Etats Unis qui possèdent très peu de parts de marché dans l’exportation de pétrole vers l’UE ont annoncé augmenter leur production de 17% jusqu’en 2050 et de 24% pour le gaz sur la même période et cela, non pas dans l’objectif de le fournir aux européens mais plutôt dans l’objectif de faire baisser les prix à la pompe dans un soucis politique interne au pays. Source: https://www.la-croix.com
- L’Arabie Saoudite le deuxième producteur mondiale s’aligne avec la Russie, dans un sentiment d’affaires politiques inhérente au BRICS, si bien que le pays a annoncé via son président, qu’il allait réduire la production de pétrole en Novembre 2022, allant à l’encontre des directives américaines et européennes. Il semble donc difficile de constater de l’aide de ce côté dans un futur proche. https://www.lemonde.fr
- L’aide peut par contre venir du Canada qui a annoncé augmenter sa production de pétrole de 5%, afin de pouvoir livrer 200 000 barils de pétroles par jour et 100 000 barils de gaz naturel (GNL) à l’UE. Mais on est loin d’assurer le remplacement de la livraison des 2,2 millions de barils par jour de la Russie. Source: https://ici.radio-canada.ca. De plus, il semblerait que le gouvernement canadien soit tiraillé entre augmenter sa production de pétrole pour venir en aide à ses alliés tout en augmentant ses profits, et sa politique de lutte contre le réchauffement climatique incompatible avec l’augmentation de la production de pétrole. Rien n’est donc garantie non plus pour les importations venant du Canada.
- Irak, Emirats arabes Unis, Iran et Koweit pourront peut être représenter une alternative au pétrole russe mais à condition qu’ils améliorent leurs infrastructures. Sources: https://energynews.pro, https://www.latribune.fr, https://atalayar.com/fr
Ainsi, on remarque que sur le court terme, il sera difficile à l’UE de se passer totalement du pétrole russe. Et si les dirigeants européens s’engagent dans cette voie en 2022 et limitent les importations russes à 10% en pétrole, il est probable qu’en plus d’avoir des pénuries de gaz naturel, nous aurons également des pénuries de carburant.
Sur le moyen terme, je dirai que c’est 50/50. Tout dépendra des talents de négociation des dirigeants européens et russes et sur leurs capacités à trouver de nouveaux fournisseurs pour les importations d’un côté et les exportations de l’autre. Cependant, la aussi la Russie semble partir avantagée car étant productrice de ressources qui vont devenir de plus en plus rares et de plus en plus demandées au niveau mondial, elle aura moins d’efforts à faire pour proposer ses énergies à des prix plus élevés. Alors que l’UE devra payer plus cher ses importations en raison de la déstabilisation du marché mondial du gaz et du pétrole qu’elle a elle même provoquée.
Quant au long terme (5 à 10 ans), l’UE se tournera vers les énergies renouvelables et créera de nouvelles routes commerciales avec d’autres partenaires et la Russie créera d’autres gazoducs, oléoducs et profitera de la demande croissante en énergie de la part des pays émergents. Mais au niveau ou nous en sommes aujourd’hui, il faut d’abord que l’UE survive sur le court terme à son manque d’énergie. Quant à la Russie, elle n’aura qu’à s’endetter dans le pire des cas mais ne souffrira pas d’un manque de ressources énergétiques pouvant mettre toutes ses industries à l’arrêt.
Source: https://www.jeune-independant.net
Source: https://www.latribune.fr
7. Les solutions adoptées par l’UE pour limiter les prix du gaz à l’échelle européenne
Consciente des problèmes liés à la pénurie de gaz et de pétrole au sein de l’UE, la commission européenne a mis en place le projet REPowerEU.
Ce projet vise à rendre la souveraineté énergétique à l’UE en se débarrassant du pétrole et gaz russe.
Les solutions de ce projet seraient basées sur 3 axes :
- Diversifier l’approvisionnement en gaz : 50 milliards de mètres cube de gaz (GNL) proviendrait du Qatar, des États-Unis, d’Égypte et d’Afrique de l’Ouest plus 10 milliards de mètres cube de gaz par gazoducs provenant d’Azerbaïdjan, d’Algérie et de Norvège. Production de biométhane d’ici 2030 à hauteur de 35 milliards de mètres cube. De même, le projet “Accélérateur d’hydrogène” permettrait, d’ici 2030 entre 25 et 50 milliards de mètres cube de gaz. Pour résumer, même si le projet de diversification était un succès immédiat, il assurerait dans le meilleur des cas l’importation de 145 milliards de mètres cube sur les 155 milliards importés de la Russie.
- Réduire plus rapidement l’utilisation des combustibles fossiles : économie d’énergie dans les transports, bâtiments dans un objectif de réduction de consommation d’énergie. Et l’objectif serait de baisser la consommation de gaz de 30% d’ici 2030 et de 15% d’ici 2023. Concrètement, cela permettrait d’économiser 10 milliards de mètres cube de gaz.
- Développer massivement les énergies renouvelables : Augmentation prévue de 40 à 45% de l’utilisation des énergies renouvelables au sein de l’UE, d’ici 2030, avec comme fer de lance les panneaux solaires. Cela permettrait d’économiser 2,5 milliards de mètres cube de gaz.
Source: https://france.representation.ec.europa.eu
Outre l’aspect de pénurie, il y aussi l’aspect des prix qui sont en train de flamber partout en Europe ainsi que dans le monde. Pour essayer d’enrayer ce phénomène, l’UE a proposé de plafonner les prix du gaz. Malheureusement, cette proposition a été rejetée par la Norvège qui aurait bien évidemment trop à perdre alors qu’elle est devenue la première exportatrice de gaz au sein de l’UE. source: https://www.latribune.fr
Enfin, la dernière solution, la plus facile et la plus simple serait de rebâtir un partenariat commercial avec la Russie, comme l’incite… Vladimir Poutine lui même à la stupéfaction générale! (voir source: https://www.nouvelobs.com)
En effet, en ce début octobre, Poutine a déclaré que le gazoduc Nordstream 2 boudé par l’Allemagne et qui devait être mis en fonction cette année peut toujours livrer du gaz si les occidentaux le souhaitent. Dans ce même discours, le président de la Russie a également reproché aux dirigeants de l’UE de mettre en danger le mode de vie de milliards de personnes dans le monde en déstabilisant les marchés de l’énergie.
8. Les solutions en France
Elles suivent les solutions proposées par l’UE, puisque le gouvernement français essaye d’obtenir de nouveaux partenaires commerciaux sur le gaz et le pétrole.
De plus, Emmanuel Macron a annoncé que l’avenir serait l’énergie renouvelable en France en plus du nucléaire.
Le point positif pour nous les français, c’est que nous dépendons très peu de la Russie et qu’il sera donc beaucoup plus facile pour nous de se tourner vers les livraisons GNL du Canada ou des Etats Unis grâce à nos nombreux ports et infrastructures portuaires. Au niveau du pétrole, la France se tourne vers les Emirats Arabes Unis, source: https://www.latribune.fr.
Sur le plan des énergies renouvelables, la France travaille sur un projet de loi d’accélération des énergies renouvelables pour passer de 20% de consommation finale d’EnR à 40% d’ici 2030, puis à 100% d’ici 2050 pour atteindre la neutralité carbone ainsi, bien sûr que l’indépendance énergétique.
Le but de cette loi est de réduire les délais administratifs français qui sont bien reconnus dans le monde pour optimiser la production d’infrastructure d’EnR, mais aussi d’assouplir les distances de sécurité sur les panneaux solaires par exemple proches des autoroutes, afin de pouvoir en installer plus. Le but est donc de libérer toutes les surfaces foncières.
La loi permettrait également de donner un statut juridique aux éoliennes en mer de type offshore afin de pouvoir développer 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050 tout en améliorant le financement des projets.
La loi devrait entrer en vigueur fin octobre 2022.
Source: https://www.greenly.earth
Sur le court terme, le gouvernement français a mis en place des mesures pour soulager les français:
- Bouclier tarifaire sur l’électricité, le gaz et le carburant, reconduit en 2023 avec une augmentation maximale de 15%, car les tarifs de l’électricité français ne sont pas indexés à 100% au marché de gros européen, mais ce bouclier a un cout: 24 milliards d’euros en 2022, soit 1% du PIB et en 2023, au minimum 16 milliards d’euros si les prix de l’électricité n’augmentent pas encore d’ici la.
- Chèques énergies sporadiques à 12 millions de foyers parmi les plus modestes. Si le chèque a une valeur de 100 euros, cela coutera 1,2 milliards à l’état.
En tout ce seront donc 41,2 milliards d’euros qui viendront gonfler la dette public française déjà lourde de 2900 milliards et que chaque français devra rembourser un jour ou l’autre.
La France ne dépendant que de 8,8% du pétrole russe et de 17% du gaz russe, il est évident que si les français voient leurs factures d’électricité atteindre les mêmes sommets que leurs homologues européens, c’est qu’ils paieront la solidarité européenne, si ce n’est pas le cas, il est fort probable que les autres pays de l’UE demanderont de l’aide de la part de la France et que celle ci leur viendra en aide en leur fournissant de l’électricité. La question à se poser, c’est est ce que cette aide sera au détriment des français? Et surtout est ce que cette disparité dans les besoins énergétiques va renforcer la solidarité européenne ou au contraire la faire disparaître dans un mode du chacun pour soi?
Conclusion:
Le conflit entre la Russie et l’Ukraine prend donc une tournure mondiale sur le plan économique. Les sanctions mises en place par l’Occident via l’OTAN ne profitent ni à la Russie, ni à l’Europe car les 2 parties y laissent forcément des plumes. L’énergie d’un côté, la balance commerciale de l’autre ainsi que la perte des investissements en infrastructures (gazoducs, oléoducs, etc…).
Pourtant, il est étonnant de constater que ceux qui sont les plus fermes pour maintenir la pression sur les russes ne sont autre que les Etats Unis. Ces derniers, maîtres de l’OTAN, soufflent sur les braises sans jamais en subir les conséquences, puisque leurs importations venant de la Russie sont minimes. De plus, l’augmentation des prix du gaz leurs sont largement favorables puisqu’une seule cargaison de GNL est passée de 50 millions de dollars à 80 millions en 2022. Et ce gaz, ils le vendent à l’Union Européenne !
De plus, depuis la guerre Russie Ukraine, l’ensemble des monnaies fiats dans le monde ont chuté entre 10 et 20%, tandis que le dollar lui a été propulsé vers le haut, renforçant encore plus les bénéfices engendrés par les exportations américaines et les livraisons de GNL à l’UE avec une monnaie Euro qui a chuté de 20% par rapport au… dollar!