1) Le baptême du feu pour le nouveau Premier Ministre Anglais et son gouvernement
Ce 17 novembre 2022 est historique pour la Grande bretagne puisque Jeremy Hunt, le ministre des finances anglais a annoncé que son pays était en récession suite aux chiffres dévoilés par l’office des statistiques nationales au troisième trimestre. En effet, le PIB anglais a chuté, pour reculer de 0,2% au troisième trimestre 2022 et devrait baisser jusqu’à 1,4% en 2023 selon la Banque d’Angleterre et cette récession pourrait durer entre 1 et 2 ans. (Source: https://www.francetvinfo.fr).
Suite à cette annonce, le gouvernement a annoncé un budget d’austérité basé sur une hausse des impôts et une baisse des dépenses publiques afin de récupérer 63 milliards d’euros. Quelques semaines après la démission de Liz Truss, pénalisée par sa politique financière jugée trop “protective des riches”, c’est donc au tour du nouveau Premier Ministre anglais Rishi Sunak d’afficher une politique financière sévère pour l’ensemble des contribuables anglais qui vont devoir passer à la caisse afin de redresser la barre économique de leur pays. Cependant, de l’aveu même du Ministre des finances, ce sont cette fois les riches qui seront les plus mis à contribution, tout comme les entreprises de l’énergie qui ont fait des profits démesurés sur le dos de la guerre Russie-Ukraine et l’inflation.
Pour être précis, l’Angleterre fait face à une inflation de 11,1%, un record depuis 1981. (Source: https://www.lemonde.fr). Le taux de chômage est lui aussi en hausse tout comme les taux d’emprunts des crédits immobiliers qui sont désormais à plus de 6% suite à la relève des taux directeurs de la Banque d’Angleterre, alors qu’ils étaient encore à 1,8% en 2018.
Avec ces annonces, nos voisins anglais entrent donc officiellement en crise économique.
2) La mauvaise nouvelle loin d’être une surprise
Dans ce contexte de crise énergétique, d’inflation galopante, de redressement brutal des taux d’intérêts de la part des banques centrales et de politique de lutte contre l’inflation, le scénario craint par beaucoup semble être celui qui va arriver: la récession.
Cependant, si ce scénario était celui considéré comme l’un des plus négatifs, il était largement prévisible. Car, pour rappel, une récession est officialisée lorsque le PIB d’un pays (richesse globale produite) chute ou ralentit sur 2 trimestres consécutifs. Or, la politique de lutte contre l’inflation a amené les Banques centrales dans le monde (excepté la Turquie) à relever leurs taux directeurs d’emprunts pour faire barrage à l’inflation en contractant l’économie des pays sujets à l’inflation. Malheureusement, tous les économistes s’accordent sur le fait que cette politique de contraction des économies par la hausse des taux, si elle limite bien l’inflation des pays, amène inévitablement une chute des PIB des économies concernées par ces hausses des taux. Ainsi, si cette politique de hausse des taux dure trop longtemps, elle amène forcément une chute des PIB sur plus de 2 trimestres consécutifs et donc une récession. Depuis début 2022, la BCE (Banque Centrale Européenne) a déjà augmenté 3 fois ses taux à des hauteurs jamais vues au sein de l’UE. Et selon Christine Lagarde, la Banque Centrale est prête à relever encore ces taux si cela ne suffit pas à contrer l’inflation.
De plus, à cette hausse des taux empêchant la bonne circulation des capitaux s’est greffée la plus grande crise énergétique que l’Union Européenne ait jamais connue depuis son existence. Or, l’énergie, socle primaire des besoins d’une civilisation est indispensable au fonctionnement et développement du PIB d’un pays. Si la pénurie de gaz naturel en Europe est déjà avérée, il n’a pas encore été question de l’augmentation probable des prix du pétrole dans un avenir proche. Car la Russie ne s’est pas contentée de couper les vannes d’arrivée de gaz vers l’UE, elle a également adoptée une stratégie commerciale sans pitié sur le pétrole pour faire face aux lourdes sanctions (douteuses dans leur efficacité) de l’occident à son encontre. Récemment, l’OPEP+, organisation rassemblant les 13 pays exportateurs de pétroles et conduits par la Russie, ont annoncé qu’ils allaient réduire leur production de pétrole de 2 millions de barils de pétroles par jour, ce qui est le sens contraire de ce que demande l’UE qui veut absolument trouver une alternative au pétrole russe en plus du gaz naturel. (Source: https://www.latribune.fr). La crise énergétique déjà conséquente au sein de l’UE risque donc de s’aggraver car après la flambée des prix du gaz naturel, nous connaîtrons peut être une nouvelle flambée des prix du pétrole.
Il n’est donc même pas utile de se focaliser sur les pénuries de ressources et de composants dus à la crise Covid, ni à l’instabilité des marchés financiers en raison de la guerre Russie Ukraine pour justifier l’arrivée d’une récession en 2023 pas seulement sur l’Angleterre mais aussi sur toute la zone européenne.
Par contre, ce qui est inquiétant, c’est que tous ces événements qui justifieraient, à l’unité, une récession, arrivent tous en même temps de façon collective et laissent penser que les récessions qui vont nous tomber dessus pourraient être longues et douloureuses.
3) La France subira t-elle le même sort que l’Angleterre ?
Si nos voisins britanniques ont pris conscience et annoncé officiellement qu’ils allaient entrer dans une période compliquée sur le plan économique et énergétique, qu’en est-il de la France ?
N’hésitez pas à lire mon article du 27 octobre 2022, qui détaille justement la probabilité d’une récession ou non en 2023 :
Cependant, depuis octobre, de nouveaux événements ont été mis en lumière, comme l’annonce effectuée par la commission européenne, elle même. (Source: https://www.ouest-france.fr).
Lors du communiqué du 11 novembre 2022, la commission a déclaré que la plupart des pays membres de l’UE vont entrer en récession dans cette fin d’année 2022 en raison de la crise énergétique qu’elle a elle même provoquée à travers la politique de sanctions contre la Russie. Dans ce même communiqué, la commission s’attend encore à une nouvelle vague de flambée des prix.
Quant à la France, c’est une catastrophe malgré les propos optimistes de Bruno Lemaire le ministre de l’économie.
Le premier point est la balance commerciale du commerce extérieur: En septembre 2022, la France possède un déficit dans sa balance commerciale de -47,6 milliards d’euros avec une détérioration de -7,3 milliards d’euros rien que sur le dernier trimestre. (Source: https://www.douane.gouv.fr). Selon cette même source, il est intéressant de noter que la France a multipliée par 42 ses importations d’électricité depuis 2019. Ainsi, on comprend mieux pourquoi nous subissons une hausse des prix semblable à nos voisins européens. Sauf que la France a les moyens d’être indépendante au niveau énergétique et dépend déjà très peu des importations russes initialement. On peut donc se demander si cette politique d’importation d’énergie est menée avec efficacité.
Le deuxième point est l’impact de la hausse des taux directeurs des Banques Centrales sur le marché immobilier qui est l’un des indicateurs de performance permettant d’anticiper une récession. Or, en 2022, les prix de l’immobilier commencent à baisser comme le montre le prix du m² sur Paris qui est passé pour la première fois sous la barre des 10 000 euros depuis longtemps. Et, sachant que la BCE n’exclut pas de nouvelles hausses des taux si l’inflation persiste, il est fort à parier que les prix de l’immobilier vont continuer à chuter dans les temps à venir. Car pour rappel, plus les taux d’emprunts sont hauts et plus les crédits sont chers avec des mensualités conséquentes, ce qui empêche les citoyens d’emprunter et donc de consommer. Avec la baisse de la consommation, il y a moins de pression sur les achats et donc plus d’offres par rapport à la demande ce qui fait chuter de façon générale les prix des produits mais également la production de richesse, c’est à dire le PIB des pays concernés par ces hausses des taux. Ainsi, la chute des prix de l’immobilier démontrent bien l’impact de la hausse des taux sur la circulation de l’économie en France. Ce qui reste un signe fort pour anticiper une éventuelle récession.
Enfin, le troisième point est la situation critique des entreprises françaises. Avant tout, il faut savoir que la France compte 3,82 millions d’entreprises dont 3,65 millions seraient des microentreprises, 144 000 des PME et enfin 7600 des grandes entreprises (Source: INSEE). Or, les défaillances d’entreprises (faillites) sont en hausse de plus de 23% par rapport à 2021 (+de 60% en réalité car en 2021, les défaillances étaient à -40% par rapport à 2020) avec une accélération nette visible ces derniers mois de 2022. Par exemple, la hausse des faillites était de 16% en juin et le mois suivant à 23%. On peut donc nettement faire le lien entre l’accélération de l’inflation, le durcissement de la crise énergétique et la hausse des faillites des entreprises déjà bien fragilisées par les problèmes de recrutement et la crise du Covid. Il est intéressant de noter que ce sont les microentreprises les plus durement touchées car elles représentent 44% des défaillances contre 36,4% des PME. (Source: https://www.capital.fr).
Ci dessous les chiffres de la Banque de France :

Source: https://www.banque-france.fr
On remarque que le nombre de défaillances à explosé en 2022 avec une augmentation de plus de 60% par rapport à la chute de -40% de 2020-2021. Cependant, il est à rappeler que les défaillances de 2020-2021 étaient reportées en raison des confinements liés au Covid. Ainsi, 2022 est une année explosive qui paye les retards de 2021 ainsi que le contexte de crise économique multi-facteurs comme la guerre Russie Ukraine et les pénuries énergétiques.
De plus avec la crise énergétique, les entreprises industrielles qui ne sont pas défaillantes sont contraintes de réduire leur production afin de réduire leur consommation d’électricité. (Source: https://www.lemonde.fr). Ce phénomène est généralisé et va forcément impacter par ricochet l’offre de produits mis en vente sur le marché par la suite. Et qui dit moins d’offres par rapport à la demande, dit montée des prix et donc alimentation de l’inflation déjà galopante. Dans ces conditions, la moitié des entreprises industrielles seront contraintes au mieux de réduire leur activité et au pire de fermer de façon temporaire ou permanente, à l’exemple de ArcelorMittal qui réduit son activité ou encore de Duralex qui a tout simplement fermé ses portes pour l’hiver (5 mois), ce qui est une catastrophe pour le CA de l’entreprise et le tissu économique global du pays. Et ce que redoute le plus les chefs d’entreprises, selon leurs dires, n’est pas la montée des prix de l’énergie mais surtout le manque de visibilité sur les mois à venir car sans visibilité ils ne peuvent pas prendre de mesures en anticipation au sein de leurs entreprises.
Pour être précis, en France, l’inflation est estimée à 6,2% en octobre 2022, une augmentation de 1% par rapport à septembre. (Source: https://www.insee.fr). Les taux de crédit immobilier sont de l’ordre des 2,3% sur une durée de 20-25 ans en novembre 2022 alors qu’en septembre ils étaient plus proches des 1,8% (Source: https://www.lesfurets.com). Ainsi, par rapport aux britanniques, il semble que nous soyons encore en phase pré-crise avec un temps de décalage. On peut également faire l’hypothèse que dans ce contexte, l’Angleterre paye les conséquences économiques du Brexit.
Conclusion
Dans ce contexte, il paraît de plus en plus probable que la France rejoigne le camp des pays en récession au côté de l’Angleterre en 2023 tout comme la majorité des autres pays de l’Union Européenne, contrairement à ce qu’avance Bruno Lemaire. Ce dernier table encore sur une croissance positive pour la France l’année prochaine. (Source: https://www.lefigaro.fr). Peut être a t-il raison ? peut être que nous échapperons à la récession grâce aux boucliers tarifaires et aux aides du gouvernement vis à vis des entreprises dans une nouvelle politique du “Quoi qu’il en coûte”. Si tel est le cas, le prix sera cependant lourd à payer au niveau de la dette française et l’ardoise devra de toute façon être réglée un jour ou l’autre par les contribuables français. Ainsi, ne vaudrait-il pas mieux envisager le pire dés aujourd’hui et prendre des mesures en anticipation comme le font nos voisins britanniques pour mieux encaisser la vague si elle nous tombe dessus, plutôt que d’espérer le meilleur pour être au final totalement pris au dépourvu ? Affaire à suivre donc en 2023!