Comment la Russie contourne t-elle l’embargo occidental contre son pétrole ?

L’embargo contre le pétrole russe brut est entré en vigueur le 5 décembre 2022. La majorité des membres du G7, des pays membres de l’Union Européenne et de l’Occident y prend part.

Pour rappel cet embargo consiste dans les faits suivants :

  • 90% des importations de pétrole russe arrêtées nettes au sein de l’Union Européenne. Ce qui représente une amputation de presque 25% du pétrole total importé par l’UE chaque année.
  • Un plafonnement du prix du baril de pétrole russe fixé à 60 dollars afin de limiter le commerce mondial du pétrole russe.

1) Un embargo qui repose sur les assurances

Les pays membres de l’UE prévoyaient surtout des dommages à la Russie via les assurances. En effet, les navires pétroliers nécessitent 3 assurances de façon générale :

  • Assurance de la cargaison.
  • Assurance corps de navire, pour les dommages causés au bateau
  • Assurance protection et indemnisation (P&I), qui comprend une couverture illimitée des dommages causés à des tiers.

Or, tout l’enjeu de cet embargo se focalise sur les assurances P&I, car 90 à 95% du marché des assurances « Protection et Indemnisation » (P&I) permettant de couvrir les navires pétroliers russes sont au main des assurances européennes qui sont parmi les plus puissantes au monde et sont les seules ayant assez de capitaux pour couvrir des pertes de plusieurs milliards en cas d’accidents impliquant un navire pétrolier.

De plus, les entreprises d’assurance russe étant encore immatures n’auraient pas les moyens de prendre en charge de tels montants d’indemnisation en cas de mer noire suite à un accident. Ainsi, l’occident, à travers cet embargo comptait prendre la Russie à la gorge et l’obliger à revoir son plafond à la baisse concernant le prix des barils de pétrole.

Bien sûr, c’était sans compter les déclarations de la Russie indiquant de façon ferme que tout pays qui plafonnerait les prix du pétrole russe se verrait coupé de tout approvisionnement en pétrole russe mais aussi en gaz et combustibles solides russes.

A partir de là, la Russie n’ayant d’autre choix que de contourner les sanctions, on peut se demander quelles mesures elle a adopté pour limiter les effets de cet embargo.

2) Les mesures que la Russie pourrait prendre pour contourner l’embargo

Ci dessous une liste de mesures que la Russie peut prendre :

  • Renforcer ses partenariats avec ses alliés économiques du BRICS.
  • Compter sur les assurances de l’Inde et de la Chine qui sont désormais les principaux partenaires commerciaux de la Russie.
  • Construire sa propre flotte de navires pétroliers en adoptant une posture de navires fantômes. (Source: https://www.ft.com).
  • Développer son propre consortium d’assurances russes pour prendre le relais des assurances occidentales. (Source: https://www.bfmtv.com).
  • Effectuer des opérations de transbordements entre des navires pétroliers russes et des navires pétroliers d’autres pays comme l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan. De même, la Russie pourrait mélanger son pétrole avec celui des autres pays de l’ex URSS notamment via les oléoducs à destination de l’Angleterre. (Source: https://www.globalwitness.org).

En effet, la Chine et l’Inde voient désormais la Russie comme faisant partie de leurs principaux importateurs de pétrole. L’Inde importe plus de 1 million de barils de pétrole russe par jour. Ainsi, la Russie exporte au total 22% des besoins de pétrole de l’Inde et ce partenariat Inde-Russie s’est soldé par une multiplication par 6 des importations de pétrole russe en Inde depuis le début de la guerre Russie Ukraine. (Source: https://prixdubaril.com). La Russie représente également le deuxième importateur de pétrole de la Chine avec plus de 25% des besoins totaux en pétrole de la Chine, ce qui représente 1,96 millions de barils de pétrole par jour avec une augmentation de prés de 30% sur un an comparé à 2021. On observe donc que les alliés économiques de la Russie au sein du BRICS jouent visiblement le jeu et aide leur partenaire en accélérant les importations de pétrole russe au détriment de l’Europe. (Source: https://fr.businessam.be).

Concernant les assurances, la Russie s’organise notamment avec l’appuie de l’Inde. L’entreprise General Insurance Corporation of India (GIC Re), spécialisée dans la réassurance, a contribué à hauteur de 40%, dans la constitution d’un pool d’assurance pour assurer les importations en provenance de Moscou en comptant le pétrole. (Source: https://www.atlas-mag.net). De plus, la Russie a clairement fait comprendre qu’elle allait travailler sur la réputation et la construction de son propre réseau d’assurances maritimes dans l’objectif évident d’être autonome.

Au sujet des flottes fantômes, la Russie aurait acheté une centaine de navires pétroliers en fin de vie depuis le début de la guerre, afin d’avoir sa propre flotte de tankers, ce qui lui permettrait d’acheminer elle même son propre pétrole sans avoir à passer par les navires étrangers qui refusent désormais de transporter du pétrole russe conformément à l’embargo du 5 décembre 2022. Ainsi, les navires russes pourront éteindre leurs transpondeurs (balises GPS) et passer hors des radars.

Conclusion :

A ce jour, les seules preuves plus ou moins évidentes du contournement des sanctions de la Russie par rapport à l’embargo contre son pétrole sont l’explosion de ses exportations vers la Chine et l’Inde et la constitution d’une flotte fantôme qui lui permettrait d’échapper aux règles en lien avec les assurances.

Il est également intéressant de noter que ce contournement des sanctions n’est pas nouveau. Le Venezuela et l’Iran ont adopté le même genre de procédés pour continuer à livrer leur pétrole dans le monde lorsqu’ils étaient sous sanctions internationales.

La Russie, via l’achat de sa flotte de tankers début 2022 démontre clairement qu’elle a anticipé les effets de l’embargo et qu’il est fort probable que d’ici quelques années, elle soit capable de devenir totalement indépendante sur tous les niveaux par rapport à l’Occident.

Ironie du sort, les pays d’Asie achètent du pétrole russe à des prix défiant toute concurrence. Or des soupçons pèsent sur le fait que ces pays revendent ensuite du pétrole à l’Europe par des manières détournées et ainsi, une partie du pétrole russe pourrait, malgré l’embargo, se retrouver en Europe.

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par Anders Noren.

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