Les prix sont en train de flamber en France, surtout au niveau de l’électricité. Cet article vise à expliquer pourquoi et comment. Et surtout voir quelles seraient les potentielles solutions pour les contrer que ce soit à l’échelle des gouvernements ou à l’échelle des organisations comme l’Union Européenne.
1) Pourquoi et comment ?
A cause de la guerre Russie Ukraine dit-on en majorité, mais la réalité est bien plus lointaine et surtout bien moins mise en évidence, car si la guerre Russie Ukraine est bien ce qui a mis le feu au poudre, les problèmes liés à l’augmentation de nos factures d’électricité sont bien dans les mains de nos dirigeants.
Car c’est en réalité les sanctions européennes à l’encontre de la Russie qui ont amené cette dernière à couper 100% des importations de gaz vers L’Union Européenne en aout 2022. (Source: https://www.ouest-france.fr). La Russie n’a donc fait que réagir aux attaques économiques de l’Union Européenne. En clair, si nos dirigeants n’avaient pas porté des sanctions contre la Russie, nous n’en serions pas là. Cette situation est d’autant plus surprenante lorsque l’on constate que nos dirigeants ne semblent pas du tout avoir anticipé cette contre attaque de la part de la Russie et pris aucune mesure en amont pour limiter les effets de cette coupure de gaz.
Et nous nous souvenons tous pourtant de la rencontre entre Macron et Vladimir Poutine en février 2022, juste avant la guerre Russie Ukraine. L’escalade des tensions était palpable et tous les regards médiatiques et politiques étaient déjà tournés vers la Russie et l’Ukraine.
Or, 45% de l’approvisionnement de gaz de l’UE venait de la Russie. Du jour au lendemain, l’UE s’est donc vu privée de 45% de son gaz sans avoir de réelles alternatives ou d’autres importateurs de gaz aussi efficaces que la Russie, de l’aveu même de la Commission Européenne dans son article présentant le plan “REPowerEU“. (Source: https://france.representation.ec.europa.eu)
Par la suite, avec une pénurie de gaz, c’est l’ensemble du pan énergétique de l’Union Européenne qui a été ébranlé. Car sur le marché européen, les prix du gaz sont couplés à ceux de l’électricité.
En effet, le besoin en gaz russe était différent, d’un pays à l’autre au sein de l’UE, pour produire de l’électricité, comme le montre la carte ci dessous.

Ainsi, des pays comme la Finlande ou faisant partie des pays Baltes n’ont d’autres choix que de faire pression sur le marché du gaz européen pour en acheter. En plus de la pénurie, s’est donc rajouté le phénomène de panique et de spéculation sur le marché du gaz. C’est pour cette raison que le prix de gros du gaz, sur le marché de référence européen, le Title Transfer Facility (TTF) de Rotterdam, a littéralement explosé en aout 2022 jusqu’à atteindre un prix record de prés de 340 euros/MWh lorsque la Russie avait annoncé couper les vannes de gaz. Aujourd’hui, le prix de gros du gaz TTF tourne autour des 70 euros/MWh, ce qui représente une nette baisse par rapport à l’été 2022 mais reste bien plus élevé qu’en 2021 ou les prix du gaz de gros évoluait autour des 20 euros/MWh.
Comme de nombreuses centrales européennes utilisent du gaz pour produire de l’électricité et que l’UE a crée un marché boursier commun autour de cette électricité, non seulement l’augmentation des prix du gaz provoquent l’augmentation des prix de l’électricité mais en plus chaque pays membre de l’UE paye la solidarité européenne sur le marché boursier européen de l’électricité. C’est ainsi que la France qui est l’un des premiers pays au monde à posséder une indépendance énergétique grâce au nucléaire et qui dépend très peu de l’énergie et du gaz russe, subit malgré tout une hausse des prix de l’électricité qu’elle doit acheter sur le marché européen. Car le parc nucléaire français est en partie à l’arrêt pour cause de maintenance.
Le prix du gaz est en phase baissière depuis son pic record à l’été 2022, tout comme le prix de l’électricité donc.
Malheureusement, un grand nombre de pays et de fournisseurs d’électricités, ont acheté l’électricité de 2023 en 2022. En clair, nous consommons à partir de maintenant, en 2023, de l’électricité qui a été acheté en 2022 et donc à la période ou les prix du gaz de gros et de l’électricité étaient à leurs plus hauts niveaux. Cette stratégie d’achat implique donc que les fournisseurs d’électricité lissent leurs prix d’une année à l’autre, surtout en France, par exemple ou vous avez des contrats annuels.
C’est pour cette raison qu’en 2023, malgré la baisse annoncée des prix de gaz et d’électricité, les factures elles ne changent pas désormais pour les fournisseurs d’électricité qui veulent rentabiliser leurs achats lissés de gaz sur les prix de 2022. Ainsi, il y a une sorte de décalage entre le temps ou les prix baissent et le temps ou cette baisse est amorcée à la suite de la chaîne jusqu’au consommateur finale.
Les entreprises françaises subiront donc de plein fouet en 2023, la hausse des prix de 2022 avec des factures multipliées par 5 ou 10 suivant leurs fournisseurs d’électricité.
Pour les ménages français, ils sont protégés pour le moment par le bouclier tarifaire du gouvernement. Malgré tout, une annonce de 15% est quand même annoncée pour prés de 40% des ménages qui utilisent du gaz, une autre augmentation est prévue en juillet 2023. (Source: https://www.ouest-france.fr).
2) L’avenir et les solutions ?
Si l’on reste positif et que cette baisse des prix du gaz de gros reste stable en 2023, il faudra donc attendre plusieurs mois avant de voir ces prix se répercuter sur les factures.
Le problème, c’est que la stabilité est loin d’être acquise pour les raisons suivantes, c’est que les prix de gros du gaz chutent pour le moment en raison :
- Des stocks de gaz effectués avant l’hiver et la coupure des arrivées de gaz russe par les pays membres de l’Union Européenne qui permettent de prendre le relais à l’image d’un groupe électrogène
- Un automne et un hiver avec des températures plutôt douces.
- Une baisse de la consommation de gaz et d’électricité des ménages mais surtout des entreprises et des industries. (baisse de 10,8% en France)
C’est donc un ensemble de facteurs court terme ou imprévisibles favorables qui favorisent la baisse des prix de gros du gaz et donc de l’électricité par la suite sur le marché européen.
Cependant, dans ce contexte, il est difficile de donner de la visibilité désormais aux futurs prix du gaz de gros et il est encore plus difficile d’essayer d’anticiper ces prix, car il suffit d’une baisse soudaine des températures durant cet hiver pour faire repartir la consommation à la hausse du gaz. Concernant les entreprises, même si celles ci font des efforts énergétiques au point de fermer certaines usines durant quelques mois, il faudra bien qu’elles rouvrent un jour afin de produire. Si cela arrive en même temps qu’une baisse des températures, les prix du gros de gaz repartiront forcément à la hausse.
Enfin, il ne faut pas oublier que nous consommons encore du gaz russe qui a été stocké en 2022. Par exemple, la moyenne de stockage de gaz au sein de l’UE était de 88% au 13 décembre 2022 et la France avait atteint 89% de ses capacités de stockage en important du gaz via tous ses fournisseurs confondus. (Source: https://www.consilium.europa.eu). A l’aide de cette stratégie, sur les 155 milliards de mètres cubes de gaz russes désormais manquants, nous avons donc préservés 90 milliards de mètres cubes en 2022 qui seront consommables en 2023. Le problème, c’est que comme toute stratégie de stockage, cela ne dure qu’un temps, et lorsque les réservoirs sont vides les difficultés réelles commencent. 2022-2023 ne représentent donc pas encore la coupure nette des arrivées de gaz russe.
L’Europe n’aura donc pas le choix que de se reporter vers le GNL, c’est à dire le gaz naturel liquéfié provenant de pays lointains comme les Etats Unis ou le Canada. Malheureusement, ce gaz coute plus cher et nécessite des infrastructures portuaires spécifiques et la demande en GNL devant fortement augmenter dans les années à venir, cela signifie que l’UE devra mener des négociations difficiles pour être plus attractif que les marchés asiatiques par exemple, si elle veut arriver à compenser le gaz russe manquant.
Or, l’UE a pris récemment une mesure qui fait polémique dans le monde: le plafonnement des prix du gaz à 180 euros/MWh pour l’ensemble de ses fournisseurs. L’objectif de ce plafond est de limiter l’augmentation spéculative des prix du gaz mais comme l’a fait remarqué l’Allemagne, ce plafond peut être également à double tranchant puisque si les prix dépassent les 180 euros/MWh alors il y a de fortes chances que les fournisseurs historiques de gaz de l’UE partent vers les marchés asiatiques pour vendre leur gaz plus cher. Cette mesure entrera en vigueur en février 2023.
Conclusion:
Même si les prix du gaz sont à la baisse, ils restent malgré tout 2,5 fois plus élevés qu’en 2021. De plus, cette baisse ne se fera sentir sur les factures d’électricité que dans quelques mois, voir 2024 pour certains fournisseurs d’électricité qui font des contrats annuels. De plus, au vu de l’instabilité totale du marché du gaz, il est fort probable qu’à la moindre circonstance défavorable, les prix du gaz et donc de l’électricité en Europe repartent à la hausse. Ce qui impliquera des prix lissés plus élevés pour les fournisseurs d’électricité qui feront reporter cette hausse sur le consommateur final.
Quant aux solutions, sur le court terme, l’UE n’aura d’autres choix que de se tourner vers d’autres fournisseurs de gaz et surtout de GNL qui vendront leur gaz plus cher dans un contexte de demande en augmentation.
Sur le moyen terme, l’UE devra jouer avec ses réserves de gaz qu’elle devra essayer de remplir à chaque fois l’été coute que coute si elle veut espérer éviter des prix records en hiver et enfin, sur le long terme, elle devra absolument se reporter sur les énergies renouvelables.
Autrement dit, la phase d’instabilité énergétique au sein de l’UE est partie pour durer quelques années au minimum.
Dans ce contexte, lorsque l’on rappelle que cette crise énergétique n’est que le produit de décisions politiques, il est évident que les dirigeants des pays membres de l’Union Européenne ont trahi leur rôle premier vis à vis de leurs citoyens : respecter l’intégrité économique au sein de leur territoire et veiller au fonctionnement normal des pouvoirs publics.
“Doté de pouvoirs importants par la Constitution, le Président est “garant du destin de la France et de celui de la République, chargé par conséquent de graves devoirs et disposant de droits étendus” (Charles de Gaulle, conférence de presse, 31 janvier 1964(nouvelle fenêtre)).” (Source: https://www.vie-publique.fr).
En provoquant cette crise énergétique dans un objectif idéologique, les pays dirigeants européens ont donc fait passer les intérêts des citoyens ukrainiens AVANT ceux des citoyens français. Aider est une chose et une bonne chose mais se sacrifier en est une autre.
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