La faillite de la Silicon Valley Bank : explications et implications

La nouvelle est tombée le 10 mars 2023. La banque américaine a annoncé sa faillite à la surprise générale. L’objectif de cet article est de faire le point sur cette faillite. Les causes, les conséquences et les impacts sur la finance mondiale dans un contexte déjà tendu à cause des autres crises.

La Silicon Valley Bank, c’est quoi ?

C’est une banque californienne basée à Santa Clara.

La banque a été crée en 1983 par Bill Biggerstaff et Robert Medearis dans un but bien précis : financer les start up de la tech de la Silicon Valley, ce qui lui a d’ailleurs donné son nom.

Rapidement, la banque va se créer une certaine renommée car elle va dans un premier temps se concentrer sur le marché immobilier, si bien que dans les années 90, la société aura déjà conquis 50% de son portefeuille final.

En 1994, la banque élargit ses services au secteur du vin en plus de celui des technologies. Source: https://www.thestreet.com

C’est à partir de 1995 que les choses sérieuses démarrent pour la banque en même temps que l’émergence d’Internet et des start up qui feront les futures GAFA comme Google. La banque continue à cette époque d’attirer de nouveaux clients de la tech tout en arrivant à survivre à la bulle des dotcom des années 2000.

C’est à partir de 2002 que la banque s’ouvre aux conseils en investissements et en gestion de patrimoine. La banque entre à ce moment dans le cercle des banques privés et continue son ascension en s’intéressant à l’international.

En 2004, la SVB devient une entreprise internationale avec des bureaux en Angleterre, en Chine et même en Inde.

Avec une santé solide à l’époque, la banque arrivera même à survivre à la crise financière de 2008 avec une petite aide du gouvernement américain de 235 millions de dollars à l’époque. Dette que la banque arrivera sans peine à rembourser plus tard. Source: https://www.bizjournals.com

Par la suite, la banque continuera son expansion internationale, notamment en Chine avec la création d’un partenariat avec la banque chinoise SPDB (Shanghai Pudong Development Bank).

En 2015, la Silicon Valley Bank était la référence et servait prés de 65% de toutes les start up américaines.

En 2022, la banque est présente dans prés de 50% de toutes entreprises américaines de la tech cotées en bourses.

Enfin, à partir de 2022, c’est le déclin pour la SVB.

En 2023, la Silicon Valley Bank comptait plus de 8500 employés à travers le monde et était considérée comme la 16 éme plus grosse banque américaine avec 210 milliards d’actifs sous gestion et 175 milliards de dépôts.

Les causes de la chute

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la chute a été très brutale pour la banque. Tout s’est joué en seulement quelques jours.

Car une semaine avant la faillite de la banque, son PDG Greg Becker assurait que la SVB était la meilleure des banques en cette période troublée :

Source: Twitter officiel de SVB

Cela au moment même ou la filiale de SVB située en Angleterre s’apprêtait à participer au gala de nomination de la banque de l’année au Royaume Uni.

Source: Twitter officiel de SVB UK

La première cause de la chute de la SVB est la hausse des taux directeurs des banques centrales et surtout celle de la Réserve fédérale américaine.

Car avant tout, il faut savoir que les banques ont l’habitude d’acheter des titres adossés à des créances hypothécaires et des bons du Trésor aux Etats Unis.

Les titres adossés à des créances hypothécaires sont des obligations constituées de prêts immobiliers achetés aux banques. Source: https://www.investirsorcier.com. La banque devient, par ce biais, un intermédiaire entre l’acheteur immobilier et la finance d’investissement. La banque peut dés lors revendre ce prêt hypothécaire et récupère avant même le remboursement du prêt par l’acheteur immobilier un montant global du prêt mais décoté par rapport à la valeur du prêt initial. De plus, cela permet de sécuriser la banque puisque si l’acheteur fait un défaut de paiement, la banque ne sera pas en danger.

Les bons du Trésor sont des titres d’emprunt émis par les Etats. Si vous achetez un bon du Trésor vous devenez donc créancier de l’Etat qui doit vous rembourser à titre mensuel comme n’importe quel crédit. L’Etat a donc une dette envers vous.

Or, ce sont précisément ce genre de pratiques qui ont provoqué, en partie, la chute de la Silicon Valley Bank, puisque celle ci a acheté des titres adossés à des créances hypothécaires ainsi que des bons du Trésor américain avant la hausse des taux directeurs de la Réserve Fédérale Américaine. Ces titres ont donc vu leurs prix baisser au fur et à mesure que les taux d’emprunts ont augmenté, car les nouvelles obligations étant plus avantageuses pour les investisseurs, les anciennes obligations sont vendues en vitesse ou délaissées et leurs prix baissent par la mécanique de l’offre et de la demande sur les marchés. Source: https://www.amf-france.org

Avec la hausse massive des taux directeurs, les banques se retrouvent en 2023 avec des titres et des obligations dont les prix ont baissé et qui engendrent des pertes non enregistrées car ce sont des titres non vendus et non imputables au résultat net pour le moment, sauf exception.

Et c’est précisément cette exception qui concerne la Silicon Valley bank. Comme décrit plutôt, les banques dont les titres ont baissé sont censées attendre que les taux directeurs baissent et que les prix remontent de nouveau pour vendre leurs titres. Cependant, en cas de difficultés, il arrive qu’une banque soit contrainte, par le Trésor américain, de vendre ses titres malgré les pertes que cela engendrerait.

C’est exactement ce qui s’est passé pour la SVB.

Car, la deuxième cause de la chute de la SVB est la fuite des dépôts de la part de ses clients, obligeant la banque à trouver des liquidités par tous les moyens. Elle n’a eu d’autres choix que de vendre ses titres à pertes au point qu’au premier trimestre de 2023, elle s’est retrouvée avec 1,8 milliards de dollars de pertes après impôts. Source: https://www.morningstar.fr

Cette fuite massive des clients est en lien avec le secteur des technologies qui subit les multiples crises depuis 2022. Source: https://www.lesechos.fr

Mis à mal par la hausse des taux directeurs et par la baisse des dépôts de ses clients, la SVB a annoncé ce bilan catastrophique du premier trimestre 2023 qui a enfoncé le clou et provoqué la panique chez les clients et investisseurs de la SVB.

A cela s’ajoute une mauvaise gestion des risques comme le montre le tableau ci dessous :


Les conséquences de cette faillite

La première conséquence est la saisie et la fermeture de la banque par la FDIC et la Réserve Fédérale. Source: https://www.cnbc.com

La FDIC (Federal Deposit Insurance Corporation) est une agence indépendante du gouvernement américain chargée de veiller à la garantie des dépôts bancaires aux Etats Unis. Son rôle est de garantir les dépôts des particuliers ainsi que de veiller à ce que la chute d’une banque ne crée pas un risque systémique comme ce fut le cas en 2008 lors de la chute de la banque Lehman Brothers.

Anecdote, la FDIC a été crée en 1933 suite à la faillite en masse de milliers de banques lors de la grande dépression de 1929.

La FDIC, liquidateur officiel de la SVB, a annoncé qu’elle rouvrirait les bureaux de la SVB et commencerait à rembourser les dépôts des clients de la Silicon Valley Bank à partir du lundi 13 mars 2023. Source: https://www.reuters.com

Mais samedi, les files d’attente étaient déjà longues devant les locaux de la SVB :

Source: Twitter de Goku

La deuxième conséquence est la perte des comptes bancaires des plus gros épargnants épargnants clients de la SVB. Car si la FDIC a rouvert les locaux de la SVB, il faut savoir que la loi américaine garantie les dépôts jusqu’à 250 000 dollars uniquement. Le reste dépend des ventes des actifs de la banque.

Si la majorité des particuliers sont à l’abri et pourront être remboursés, on peut se poser la question pour les plus gros clients de la banque qui sont pour la plupart des entreprises qui ont déposé des fonds à une hauteur bien supérieure à la limite de garantie fixé par la loi.

Pour certaines entreprises, la situation est même catastrophique comme le montre ce tweet de “The Kobeissi Letter” :

Source: Twitter “The Kobeissi Letter”

Comme on peut le constater, les entreprises nommées ci dessus sont largement surexposées à la faillite de SVB.

La plus notable est l’entreprise crypto Circle qui a des fonds à hauteur de 3,3 milliards au sein de la banque. L’ironie du sort est palpable : cette fois c’est la finance traditionnelle qui va porter un coup dur au secteur des cryptos et non l’inverse.

Pour rappel, Circle est l’entreprise derriére le Stablecoin USDC qui, à l’annonce de la chute de la banque, s’est dépeg du dollar au point que les plateformes Exchanges crypto ont interdit le trading avec la crypto USDC.

Et cela ne représente qu’une conséquence parmi de nombreuses autres. Car de nombreuses entreprises de la tech et de l’écosystème des cryptos avaient leurs fonds chez SVB. Source: https://www.letemps.ch

Avec ses 210 milliards d’actifs et ses 175 milliards de dépôts, il est effarant de constater que Circle, avec ses 3,3 milliards de dollars de fonds reste malgré tout une goutte d’eau dans les conséquences de cette faillite pour les entreprises de la tech.

Il faudra plusieurs mois avant de mesurer pleinement les conséquences de ce désastre économique pour les entreprises et les start up.

D’ailleurs, le Royaume Uni a déjà annoncé qu’il se penchait sur un plan pour aider les sociétés anglaises confrontées à la chute de SVB sur son sol. Source: https://www.20minutes.fr

La troisième conséquence qui n’a été que temporaire, heureusement, est la chute des actions boursières au niveau mondial pour tout le secteur bancaire. Car l’annonce de la chute de la banque a fait resurgir le spectre de la crise financière de 2008 avec la chute de la banque Lehman Brothers. Les traders et investisseurs ont donc paniqués et vendus leurs actions faisant tanguer l’ensemble du marché boursier. Source: https://www.lepoint.fr

Concrètement, les 4 plus grandes banques américaines ont perdu l’équivalent boursier de 52 milliards de dollars. En France, BNP Paribas a perdu 3,89% et la Société Générale 4,49% sur leurs actions.

La bonne nouvelle, c’est que les actions sont déjà en train de se ressaisir et de remonter à des taux normaux.

La crise bancaire systémique immédiate semble écartée pour le moment, même aux Etats Unis. C’est la bonne nouvelle.

Selon Exane, cette chute semble avoir des impacts encore plus limités pour les banques européennes car celles ci achètent des titres et obligations au fur et à mesure de la montée des taux directeurs selon ces mêmes analystes de Exane. Source: https://www.reuters.com

Cependant, il vaut mieux rester prudent car, comme nous avons pu le constater avec la banque Silvergate, il peut s’écouler plusieurs mois entre les dominos. Car la chute de Silvergate a été causée par celle de la plateforme FTX en fin d’année 2022.

Conclusion :

Pour l’instant, sur le court terme, la situation est donc stabilisée aux Etats unis. Sur le moyen, long terme, personne ne peut encore prédire ce qu’il va se passer pour les banques.

Par contre il y a un grand risque systémique, probable, pour les entreprises de la tech et le secteur de la tech au niveau mondial car l’on ne connait pas encore la totalité des clients de la banque en faillite ni les réelles répercussions.

De plus, avec la montée toujours prévue des taux directeurs, les banques vont devoir jongler de plus en plus sévèrement entre leurs anciennes obligations et les nouvelles, ce qui leur donnera de moins en moins de marges de manœuvres au niveau de leurs liquidités.

Ce qui est surtout inquiétant, c’est la vitesse à laquelle la banque SVB s’est effondrée sans véritables signaux d’alarmes des autorités financières car il est également à noter que le PDG de la Silicon Valley Bank était également membre de la Réserve Fédérale Américaine. Il a quitté son poste au moment de l’annonce de la faillite. Source: https://www.reuters.com

Ainsi, il est certain que les conséquences de cette faillite vont s’étaler sur plusieurs mois voir plusieurs années.

En attendant, c’est l’or et l’argent qui sont les grands gagnants en tant que valeur universelle physique loin du système numérique centralisé.

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par Anders Noren.

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